Bon-a-tirer est une revue littéraire diffusant en ligne, en version intégrale des textes courts originaux et inédits écrits spécialement pour le Web par des écrivains actuels principalement de langue française.








 
PETITE BIBLIOTHÈQUE SENTIMENTALE / 2

J’ai toujours admiré Truman Capote dont j’ai lu et relu tous les livres, y compris (à trois reprises) le monumental De sang-froid qui est une œuvre unique en son genre, une œuvre sans ascendance ni descendance, tout comme, sur un autre registre, le Pelléas et Mélisande de Claude Debussy. J’admire d’autant plus Truman Capote, qu’à l’époque, il a tout eu pour déplaire : la laideur de son visage (à l’âge de trente ans, il avait l’air d’en avoir le double), son homosexualité, sa dépendance à l’alcool et à la drogue, l’inimitié tenace, et très souvent injuste, qu’il nourrissait envers la très grande majorité de ses collègues, à commencer par Norman Mailer, Gore Vidal, William Styron ou William Burroughs qui, à ses yeux, n’avait pas « une once de talent », ses coups de gueule à répétition, sa mauvaise foi, son cynisme presque maladif, son orgueil démesuré, pyramidal, qui le poussait à croire, à croire dur comme fer, qu’il était un authentique et pur génie…
     Le plus incroyable, c’est qu’il était effectivement un génie –— un funambule de la nouvelle et du roman, un magicien de la langue anglaise. Un génie, au surplus, qui aurait pu avoir le prix Nobel de littérature en 1976, au même titre que Saul Bellow ou, deux ans plus tard, Isaac Bashevis Singer.
      Dans ses conversations avec le journaliste Lawrence Grobel, Truman Capote, comme à son habitude, n’y va pas par quatre chemins : « Le Nobel, pour moi, dit-il, est une plaisanterie. On l’accorde, d’une année sur l’autre, à des écrivains absolument inexistants. » Là-dessus, il s’en prend à l’Académie suédoise qui, selon lui, s’est ridiculisée en préférant William Golding à Graham Greene.
     « S’ils voulaient donner le prix à un écrivain anglais, c’est évidemment Graham qu’ils auraient dû choisir. Enfin, n’est-ce pas, c’était grotesque, vraiment au-delà des mots. Parce qu’on peut penser ce qu’on veut de Graham, il a au moins écrit un livre fabuleux, Le Rocher de Brighton, qui écrase tout ce qu’a pu faire ou imaginer William Golding. Un livre fabuleux, oui. C’est un roman parfait, d’une beauté incroyable. Les quatre derniers paragraphes sont les plus remarquables de tous les romans modernes. »

Je tiens, moi aussi, Le Rocher de Brighton pour un chef-d’œuvre, et Graham Greene pour un des plus grands romanciers du XXe siècle.

Copyright © Jean-Baptiste Baronian, 2012
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