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TOPOGRAPHIE DU ROCOCO : LES CABINETS DE GLACES
PAR JEAN WEISGERBER

Tout se tient, dit-on, et en effet, la configuration des lieux privilégiés du rococo est telle qu'ils se laissent malaisément isoler les uns des autres, tandis que s'entremêlent les motifs, thèmes et idées qui s'y rattachent, directement ou non. Aussi serons-nous amenés à survoler, chemin faisant, des sujets aussi divers que l'histoire et l'utilité du miroir, objet moins futile qu'il ne paraît puisqu'il renvoie, à tout prendre, à l'esthétique de la mimesis, outre le thème de l'eau, miroir liquide, et celui de la beauté, ainsi que, dans des sphères toutes voisines, le personnage de Narcisse en qui s'incarnent les attraits — et les périls — de l'illusion et du voyeurisme.
   Au XVIIIe siècle, l'importance des glaces ou miroirs en littérature comme dans les beaux-arts semble proportionnelle aux progrès de l'optique, science où venaient de s'illustrer Kepler, Grimaldi, Huygens, Newton et Galilée. De leur époque datent l'invention du microscope et de la lunette astronomique, à côté de recherches fondamentales sur la perspective, l'anamorphose[1], la lumière et les couleurs. Cent ans plus tard, les sciences ne sont pas encore tellement spécialisées qu'elles interdisent tout accès au profane. Nombre d'amateurs, des écrivains notamment, y prennent un vif intérêt : Voltaire étudie Newton avec passion, Goethe écrit une Farbenlehre et Diderot une Lettre sur les aveugles, Lessing se demande si les anciens portaient des lunettes (Briefe antiquarischen Inhalts, 45e lettre) et Lajoue consacre des peintures emblématiques, typiquement rococo, à l'Optique et à l'Astronomie[2]. Ce courant, qui fait merveille dans les arts décoratifs, témoigne d'une prédilection pour tout ce qui fait appel au sens de la vue[3], des soies chatoyantes de Watteau et des nus de Boucher au spectacle théâtral et à l'«allure» d'acteurs qui ne cessent de jouer un rôle à la ville comme à la scène. L'homme , désormais, se donne une perpétuelle comédie, à lui-même et aux autres.
   Rien d'étonnant, dès lors, à ce que se multiplient les miroirs dans les galeries réservées aux réceptions officielles et les cabinets des petits appartements. Il serait aussi fastidieux que superflu d'en retracer ici la longue évolution. En bref, sous leur forme moderne, en verre cristallin, ils s'imposent vers 1500 grâce à Venise (Murano) surtout qui en garda jalousement les secrets de fabrication et le monopole. Colbert mit fin à ce privilège en fondant une Manufacture des glaces en 1665 (ultérieurement fusionnée avec Saint-Gobain). Un procédé nouveau permettant de couler le verre en grandes plaques suivit de peu l'édification de la Galerie des Glaces de Versailles (1678-84) où une rangée de dix-sept miroirs fait face à celle des fenêtres. Ce grandiose exemple d'utilisation architecturale et de manipulation spatiale fut imité un peu partout, mais il est vrai qu'on avait décoré les murs de glaces dès avant cette date[4], non seulement en France, mais encore en Italie et en Allemagne, notamment au château de Heidelberg (Gläserner Saal). L'effet obtenu — élargissement de l'espace perçu, jeux de lumières, de reflets et de perspectives, symétrie des images réfléchies par des surfaces parallèles, parade de luxe et de richesse en explique la vogue à l'âge baroque. Au XVIIIe siècle, les miroirs deviennent un élément obligé de la décoration : on en trouve, peints ou non, au-dessus des manteaux de cheminée, incrustés dans les meubles ou les parquets, et jusqu'au plafond des églises (Andechs, Zwiefalten). À cet égard, Jacques-François Blondel apporte un témoignage révélateur ; parlant des cheminées, il écrit dans De la Distribution des Maisons de Plaisance (1738) :

Les particuliers s'attachent par préférence à les décorer & à y placer des glaces qui sont maintenant fort en usage. Les anciens au contraire ornoient leurs Cheminées d'une Sculpture fort materielle, tant à cause que les glaces étoient plus rares de leur tems, que parce qu'ils trouvoient qu'elles faisoient une espece de vuide qui ne paroissoit pas naturel au-dessus d'un foyer. J'ai entendu dire à feu Monsieur de Cote, premier Architecte du Roy, qu'il avoit été le premier à les introduire sur les Cheminées ; ce qui dans la suite a plû de maniere, que dans les Maisons considérables on ne les supprime qu'à peine dans les premieres Antichambres[5] […].

En Allemagne se répand alors la mode des Spiegelkabinette, petites pièces souvent carrées ou rectangulaires, parfois octogonales, ornées de glaces en vis-à-vis, avec des consoles couvertes de laques et de porcelaines de Saxe et de Chine : ensembles jetant mille feux répétés dans les vernis et les dorures, et qui constituent autant de Gesamtkunstwerke en miniature[6]. À la quête du curieux, de l'étrange, correspond même l'emploi, redécouvert, de glaces déformantes, comme celles qu'on peut voir encore aujourd'hui dans les foires.

Les exemples sont légion qui attestent cet engouement : le Trianon de Porcelaine, déjà, qui précéda le Trianon de Marbre à la fin du XVIIe siècle ; avant tout l'Hôtel de Soubise, conçu par Boffrand (1735) avec les merveilleux salons ovales du Prince et de la Princesse, ou encore la salle de musique, maintenant disparue, des Vauxhall Gardens (vers 1750) à Londres, et celle du château de Sanssouci (1745-47) à Potsdam ; enfin, chef-d'œuvre du rococo, la salle des marbres de Bruchsal (après 1750, B. Neumann et J.M. Feichtmayr) (fig. 1 et 2). Pour compléter ce sommaire aperçu, signalons encore le cheval glass anglais, ancêtre de la psyché française. Celle-ci devint populaire sous l'Empire ; son nom rappelle évidemment le rapport souvent établi entre cet objet et l'apparence intangible qu'il renvoie, assimilable à une ombre, une âme. La magie n'est pas loin, mais il n'en restera pas grand-chose dans l'armoire à glace qui va bientôt orner les chambres à coucher des bourgeois aisés et dont les modèles qu'exposent encore nos marchands de meubles rivalisent généralement de laideur.


Figure 1.


Figure 2.

Peintres et écrivains se sont emparés du thème. Celui de la femme à sa toilette, qui accorde au miroir une place de choix, est un favori du rococo, épris d'élégance et de grâce. Présent — ce sont des exemples entre mille — dans le beau Portrait de Madame de Pompadour (1756) de Boucher, il l'est aussi dans celui qu'il fit d'une Dame attachant sa jarretière (1742) et dans sa Marchande de Modes (1746). Boucher n'innove en rien : il ne fait que céder à une fascination propre tout autant aux poètes, dramaturges et romanciers. Au début du siècle (1714), Pope donne le ton dans The Rape of the Lock en détaillant les rites laborieux de la parure :

     And now, unveil'd, the toilet stands display'd,
Each silver vase in mystic order laid.
First, robed in white, the nymph intent adores,
With head uncover'd, the cosmetic powers.
A heav'nly image in the glass appears[7].

Suit une énumération de bijoux, parfums, peignes et fards, bref tout un luxe dont Voltaire allait faire l'apologie. La dispute (1744) est une petite comédie de Marivaux sur la naissance de l'infidélité. Des filles et des garçons, élevés séparément dans l'état de nature, y découvrent l'amour, ses tenants et aboutissants, en même temps que leur propre image. Eglé est enchantée de la beauté de la sienne qu'elle aperçoit, comme Narcisse, dans l'eau d'un ruisseau ; après quoi, il est tout naturellement question d'autres reflets : d'un portrait d'Eglé et d'un miroir qui réfléchit ses traits. On voit se profiler ainsi, en filigrane, la théorie de la mimesis dont Aristote avait, pour des centaines d'années, jeté les fondements. Il n'y a pas que cet essai d'anthropologie sentimentale — «les premières amours vont recommencer, nous verrons ce qui en arrivera[8]» — dont il faille tenir compte. Trumeaux et toilettes ne se comptent plus dans les romans contemporains : Le sopha (1742) de Crébillon[9], Angola (1746) de La Morlière[10], Les bijoux indiscrets (1748) de Diderot[11], Fanny Hill (1749) de John Cleland[12], Félicia ou mes fredaines (1775) de Nerciat[13], Justine (1791) de Sade… Bien entendu, ce sont là des récits libertins où abondent voyeurs et scènes «osées» : Sade, pour sa part, parle aussi de miroirs grossissants qui enlaidissent[14]. Les glaces, à l'époque, ne servent pas uniquement à admirer et elles sont bien plus que les témoins de tendres caresses ou de débauches crapuleuses. La signification en est plus large : elle se rattache à ce qui constitue l'essence même du rococo. Celui-ci aime jouer sur deux tableaux à la fois dont l'un, proche de l'autre qui lui est en quelque sorte accolé, en est aussi le simulacre, selon les cas la caricature ou l'idéalisation. De même que l'image réverbérée donne l'illusion de la réalité, ainsi les œuvres qui relèvent de cette esthétique montrent l'existence comme représentation ou spectacle, déguisent le petit-maître en singe ou perroquet, travestissent l'Europe sous des chinoiseries dont l'éloignement apparent offre une marge de manœuvre à des lubies ordinairement refoulées dans nos pays en ce temps-là. L'être ou le paraître : c'est tout un.
  Ce que démontre aussi le mythe de Narcisse, victime de cette confusion, tué par son regard qu'il prend pour celui d'un autre (Métamorphoses, III). L'histoire raconte le dépérissement de la personnalité dans le mirage, une autoscopie suicidaire. Elle met en garde contre les miroirs : la rencontre avec soi-même n'est que celle d'un double trompeur, faible écho, personnifié du reste chez Ovide. La prise de conscience du moi, de ce «je» dédoublé, à la fois conscience de soi et image perçue, dégénère en oubli total du moi réel au profit d'un faux semblant. Il y avait là un danger que Marivaux semble avoir deviné. L'Eglé de La dispute s'aime sans jamais se lasser d'elle-même et elle se dispute bientôt avec Adine qui se trouve aussi belle qu'elle. Narcisse est plus isolé, totalement ligoté à son image, alors que Marivaux maintient la scission entre sujet et objet. Narcisse, voyeur de lui-même, repousse la nymphe ; Eglé, quant à elle, peut aimer aussi Azor, puis Mesrin.
   Les miroirs sont riches d'enseignements. Au XVIIIe siècle, on les voit, comme toujours, liés à la beauté et à l'amour. Mais au-delà de cette fonction esthétique et érotique, ils émettent un message qui ne sera pas passé inaperçu dans des milieux aussi sensibles aux appâts des chimères.

Il est temps d'entrer dans le vif du sujet. Par le biais de deux remarques préliminaires. À l'évidence, les cabinets de glaces présupposent l'opulence ; aussi les rencontre-t-on dans les palais princiers et les hôtels de la noblesse, en tout cas des nantis. D'autre part, bien qu'ils indiquent un statut social, ce n'est pas la Cour dans sa puissance et son ostentation qu'ils évoquent : ce sont avant tout des refuges, loin de tout cérémonial, jouxtant souvent les petits appartements : des îlots intimes en somme. Blondel avait proposé, pour les pièces d'habitation des châteaux, une formule quadripartite se composant d'une chambre à coucher, un cabinet de travail, un autre de toilette et un troisième orné de glaces, à proximité de la chambre[15]. À quoi servait ce dernier? C'est ce qu'on va tenter de voir.
   Dès la Renaissance, on en signale en Italie et l'on pense avec quelque raison qu'ils trouveraient leur origine dans la péninsule[16]. En France, on connaît celui de Catherine de Médicis (vers 1580) ; la mode s'y propage au milieu du siècle suivant, avec la préciosité[17] et, selon Kimball[18], elle s'y maintient jusqu'en 1755 environ. Laugier, par exemple, a beau jeu de se moquer de

ces femmelettes, qui préferent le plus petit divertissement d'un opéra à la plus magnifique tragédie ; qui regardent comme des palais enchantés ces petites maisons dont les petites chambrettes ne sont pavées qu'avec de charmantes petites glaces, de jolis petits vernis, d'élégantes petites porcelaines ; & qui trouvent maussades & gothiques ces grands appartements tristement meublés de superbes tapisseries des Gobelins, de peintures d'un le Brun, d'un le Moine, de marbres, de bronzes échappés au fer & au flambeau des Goths & des Vandales[19].

L'usage pratique de ce symbole du «petit goût» est clair : le cabinet de glaces peut tenir lieu de boudoir ; on peut y faire sa toilette, y étudier des mines, s'y reposer, y dormir, mais aussi y rassembler des tableaux et des objets d'art ; les images qui s'y reflètent aiguisent le cas échéant l'ardeur amoureuse ; enfin, c'est une retraite apparentée aux cabinets de verdure[20].
   Outre-Rhin, l'agencement de cette pièce devrait son originalité à ce qu'elle se confond, dans bien des cas, avec un étalage de laques et de porcelaines, une exposition de curiosités. Spécificité très relative puisque les écrivains français du temps décrivent des lieux en tous points pareils. L'idée semble être venue des Pays-Bas où la fondation de la Vereenigde Oost-Indische Compagnie (1602) contribua puissamment aux importations d'Extrême-Orient[21]. Apparurent alors autour des glaces ces consoles chargées d'objets exotiques, dont il a été question. Le château de Lützenburg-Charlottenburg, à Berlin, posséda un cabinet de ce genre dès 1699. Ce n'est pas par hasard, car les Provinces-Unies et la Prusse entretenaient au XVIIe siècle des relations dynastiques, tandis que les princes bavarois se tournèrent plutôt vers leurs alliés français[22]. C'est François de Cuvilliés, né à Soignies en Hainaut et qui se situait dans la lignée des ornemanistes parisiens, qui supervisa la déco-ration des cabinets de la Résidence de Munich et du pavillon d'Amalienburg à Nymphenburg. Des échanges entre la Franconie et la France témoignent les séjours de Balthasar Neumann, l'architecte de la Résidence de Würzburg, à Paris où il consulta Robert de Cotte, et de Boffrand à Würzburg. Tant il est vrai que le développement des styles dépend dans une large mesure de la conjoncture politique.
   Les cabinets de glaces allemands ont été étudiés par Heinrich Kreisel (Deutsche Spiegelkabinette, 1953) ainsi que par Serge Roche (Miroirs, galeries et cabinets de glaces, 1956) qui étendit son enquête, un peu superficielle, aux autres régions d'Europe. En Allemagne, il y en eut un assez grand nombre dont certains ont survécu aux ravages des bâtisseurs et, surtout, de la Deuxième Guerre mondiale. Si l'on se limite aux spécimens proprement rococo, celui de Pommersfelden (1714-19, Ferdinand Plitzner), quoique remarquable, est encore trop marqué par le style Louis XIV et les arabesques de Jean Berain pour être pris en considération. Outre des miroirs verticaux le long des murs, celui du plafond, horizontal, et d'autres disposés de biais dans les gorges au-dessus des corniches, diversifient les vues. L'ensemble, très orné, conserve néanmoins un aspect sage, presque classique, régulier et cloisonné, sans les entrelacements capricieux de stucs qu'affectionnera Cuvilliés. Celui-ci travailla au pavillon de chasse de Falkenlust (Brühl, 1729-33) dont le Spiegelkabinett répond cette fois à toutes les exigences de l'esthétique rococo, comme c'est le cas partout où il œuvra, entre autres à Munich (Résidence, Reiche Zimmer, 1730-33) et à l'Amalienburg (1734-39). Ce dernier bâtiment, situé au milieu d'un parc, comporte non pas un véritable cabinet, mais une salle ronde parée de glaces et d'ornements argentés, dont on a prétendu, à tort semble-t-il, qu'elle dériverait[23] du salon de la Princesse à l'Hôtel de Soubise. Cependant, sur le chapitre de la fantaisie décorative, Boffrand reste bien en retrait par rapport aux stucs bavarois qui, pareils à une fresque, parsèment la voûte d'arbres, d'oiseaux, de putti et de nymphes (fig. 3). La Résidence d'Ansbach possède également une petite pièce de cette espèce, voisine de la chambre à coucher de la margrave et garnie ultérieurement d'une abondante collection de porcelaines ; elle fut construite sous la direction de Leopold Retti (1735-45). N'oublions pas, dans cette ébauche d'inventaire, la Résidence de Würzburg (J.W. van der Auvera, 1740-45) où certaines glaces étaient églomisées, c'est-à-dire peintes au dos, comme déjà au siècle précédent, et enfin celle de Fulda, demeure du prince-évêque, dont le cabinet, une des plus exquises créations du rococo, date d'environ 1758. Cette énumération devrait suffire, des détails supplémentaires sur les distinctions stylistiques, les artistes, l'ordonnance des pièces, la répartition des stucs, peintures et miroirs ne contribuant guère à un projet qui envisage principalement le rôle joué par ces espaces.


Figure 3.

Il faut cependant s'étendre sur quelques variantes locales qui concernent les surfaces productrices d'images et qui, quant à elles, apportent de l'eau au moulin. Au petit château de la Favorite, près de Rastatt (vers 1715, Franz Pfleger et H.G. Stöhr), les miroirs sont à pans coupés, autrement dit fragmentés, et ils forment des angles entre eux au lieu de constituer des surfaces planes. L'effet en est d'autant plus troublant. C'est une technique semblable, mais plus novatrice encore, que recommanda la margrave de Bayreuth, sœur de Frédéric II, pour le Spiegelscherbenkabinett de l'Eremitage (Altes Schloss), retraite située à proximité de sa capitale. C'est là une décoration sui generis, car les éclats de verre, loin d'être soudés, sont dispersés çà et là sur l'étendue des murs. La segmentation, dans ce domaine, est l'équivalent des ruines que l'on construisait alors dans les jardins (fig. 4). Dans les appartements de Wilhelmine, ce cabinet, dit «chinois», fait suite à un autre, «japonais», et à la salle de musique ; la margrave, qui aimait l'exotique et l'insolite, s'en servait à l'origine pour travailler, mais elle le fit remanier vers 1751 pour lui donner à peu près l'aspect qu'il présente aujourd'hui. Dans les mémoires qu'elle y rédigea, elle a donné une description minutieuse de l'Eremitage, malheureusement antérieure — «j'écris ceci en l'année 1744[24]» — aux transformations ordonnées par elle. Elle récidivera peu après lors de la construction du Neues Schloss (1754) à Bayreuth même, mais les murs de ce second Spiegelscherbenkabinett n'exposent pas (ou plus) des fragments de miroirs, remplacés ici par des portraits peints ; seul le plafond en est décoré, mêlés à des chinoiseries.


Figure 4.

C'est donc en Allemagne que ces ensembles se sont le mieux conservés ; Louis II de Bavière en construisit encore un, en faux rococo, dans son château de Linderhof (vers 1878). Ils y sont aussi plus variés, plus audacieux dans leur délire ornemental qu'ailleurs. Plus qu'en France en tout cas, ou qu'en Angleterre où Robert Adam dessina un Glass Drawing Room en 1770-74 à Londres (Northumberland House, Charing Cross), mais dans le goût néo-classique[25]. Il en a aussi existé un (1835) dans un bâtiment situé dans Regent's Park ; à vrai dire, c'était moins un cabinet qu'un Hall of Mirrors dont un contemporain (1839) a exprimé ainsi l'effet produit :

Nothing can exceed the brilliant splendour of the hall when lighted up for the admission of the public ; the endless reduplications of reflection from the mirrors give it an appearance of interminable extent in every direction ; and the varions coloured dresses of the company, which assumes the appearance of a countless multitude in constant motion, produce an impression of grandeur, magnificence, and beauty which cannot be adequately described. The whole scene is one effulgent blaze of splendour, perpetually changing as the spectator varies his position, and presenting new combinations of elegance and beauty in endless succession, exceeding the most florid descriptions of oriental magnificence, and realising the most brilliant romances of fairy enchantment[26].

La littérature de l'époque fournit forcément les témoignages les plus fiables à cet égard. Ce n'est pourtant pas qu'on y trouve beaucoup de descriptions circonstanciées de lieux et d'objets, comme les aimeront Balzac et Dickens. À quelques passages près sur lesquels on reviendra, les romanciers, au XVIIIe siècle, ne cherchent pas à individualiser le physique, à scruter l'extérieur des choses à la loupe, passant patiemment d'une couleur, d'une teinte, à la texture d'une étoffe, puis à une forme. Pour eux, le monde est un système de relations où les objets viennent s'insérer comme autant d'éléments fonctionnels de l'ensemble ; c'est celui-ci qui prime, et non pas ses parties[27]. Le récit analytique place les rapports sociaux et amoureux et, dès lors, les actions, les dialogues, les exposés «moraux» au-dessus des gros plans de visages, d'habits ou de meubles. Crébillon s'explique à ce sujet dans Le sopha : la dissertation, dit-il, est une façon agréable

de traiter les choses […], elle peint mieux, et plus universellement les caractères que l'on met sur la scène ; mais elle est sujette à quelques inconvéniens. A force de vouloir tout approfondir, ou de saisir chaque nuance, on risque de tomber dans des minuties, fines peut-être, mais qui ne sont pas des objets assez importans pour que l'on doive s'y arrêter, et l'on excède de détails et de longueurs ceux qui écoutent. S'arrêter précisément où il le faut, est peut-être une chose plus difficile que de créer[28].

Fignolages psychologiques à éviter au même titre que les autres, descriptifs ceux-là : à l'encontre de Proust ou de Balzac, l'idéal est de faire vite, comme les peintres dans leurs esquisses, comme Voltaire. Aussi les tableaux de cabinets sont-ils au premier chef assujettis à l'intrigue ; schématiques, stéréotypés pour la plupart, ils n'ont guère de valeur en soi. L'historien ne peut donc profiter que des rares exceptions à la règle.
   Que le cabinet de glaces soit un «lieu érotique[29]», c'est ce qui ne fait aucun doute dès la Psyché de La Fontaine. Avant que ne commence le repas de noces, la belle est menée par les nymphes «dans un cabinet, où on lui avait préparé un bain». Puis, on l'habille de somptueuses parures, sans épargner «les diamants et les pierreries». Et le conteur de conclure : «Ce ne fut pas une petite joie pour Psyché de se voir si brave et de se regarder dans les miroirs dont le cabinet était plein[30]» Un peu plus loin, parcourant son splendide palais, dont Molière, Corneille et Quinault allaient se souvenir dans la tragédie-ballet de Psyché (1671),

[…] dans mille endroits (elle) rencontre sa figure ;
Sans parler des miroirs et du cristal des eaux,
Que ses traits imprimés font paraître plus beaux[31].

Les images de la beauté prolifèrent tout en variant ; par surcroît, il est question d'une représentation théâtrale, suggérée par le reflet du réel dans les glaces, et de poésie, laquelle fait tomber Psyché dans une douce folie «qui lui pervertit tous les sens, et la ravit comme à elle-même[32]». La scène, révélatrice, est aussi prophétique, on le verra. Le personnage de Psyché et le détail de sa toilette, en particulier, inspireront à Boucher nombre de toiles et de cartons de tapisseries : Psyché refusant les honneurs divins, L'apothéose de Psyché, Le mariage de l'Amour et de Psyché…
   
Nous voici en plein rococo, comme dans Angola (1746), le roman «indien» de La Morlière, un des cas exceptionnels dont on a parlé, puisqu'il contient une description en bonne et due forme d'un cabinet. Subjugué par la charmante Zobéide , «belle comme le jour[33]», le jeune Angola passe avec elle

dans un cabinet reculé au fond de l'appartement, plus voluptueusement meublé que tout ce que le prince avait vu jusque-là. Il était revêtu de glaces, et on voyait sur les panneaux des aventures galantes rendues avec une expression parfaite : aucune d'elles ne peignaient les rigueurs, elles étaient bannies, même en peinture, de ce lieu de plaisir ; tout y respirait l'amour content : un lit de repos en niche, de damas couleur de rose et argent, paraissait comme un autel consacré à la volupté, un grand paravent immense l'entourait, le reste de l'ameublement y répondait parfaitement : des consoles et des coins de jaspe, des cabinets de la Chine, chargés de porcelaines les plus rares, la cheminée garnie de magots à gros ventre de la tournure la plus neuve et la plus bouffonne, des écrans en découpures travaillés par les mains de Zobéide et des hommes les plus savants de la cour, et les bougies placées derrière des rideaux de taffetas vert, qui semblaient être faits pour rompre la trop grande clarté, et qui ne laissaient que ce demi-jour qui paraissait avoir été inventé pour éclairer les entreprises de l'amour, ou pour ensevelir la défaite de la vertu[34].

On se dirait presque à Würzburg ou à Fulda. Tout y est, à l'excès même : glaces, peintures, bibelots, plus un érotisme très appuyé, ne fût-ce que dans ce «lit de repos», pièce majeure qui fait défaut dans les palais que l'on visite aujourd'hui et qui — le contexte l'annonce — mérite si mal son nom. La signification en est soulignée par une foule de mots : «voluptueusement», «galantes», «lieu de plaisir», «l'amour content», «volupté», etc. D'autre part, l'esthétisme et l'érotisme débouchent sur les sphères de la religion, comme le démontre la comparaison du lit et de l'autel, association qui n'a rien d'inattendu. La description promet en effet l'extase ; l'action se solde par un fiasco. Les préludes une fois achevés, Angola croit arriver à ses fins lorsque la dame perd connaissance, conformément à la malédiction dont une fée a frappé le prince à sa naissance et sans que, novice en la matière, il profite de la situation. Or , «rien n'est si cruel pour une jolie femme que de s'être évanouie en vain[35]».
   Ensuite, on entre dans les petits appartements d'une autre fée, Lumineuse, qui, elle, ne veut que du bien au héros :

ce lieu charmant était destiné à ces parties fines et choisies où les souverains aiment à se dépouiller de leur grandeur et se remettent, pour l'intérêt de leurs plaisirs, au niveau de ceux qu'ils y admettent […]; tout y respirait la volupté.

On voit se succéder ainsi : une salle à manger, une salle de musique, enfin «la dernière […] destinée aux plaisirs de l'amour et (qui) pouvait en être regardée comme le sanctuaire». Cette fois, La Morlière se contente de fournir quelques détails qui font écho à ceux qu'il vient de signaler :

Tout invitait à l'amour dans ce séjour dangereux. L'ameublement inventé par la mollesse portait un caractère de volupté difficile à rendre : beaucoup de glaces, des peintures tendres et sensuelles, une duchesse, des bergères, des chaises longues, semblaient tacitement désigner l'usage auquel elles étaient destinées. Les tabourets, enfant du respect, étaient bannis de ce lieu charmant, où l'amour égalisait tout[36].

Après quelques pages et autant de bévues, le petit Angola, aidé d'un vade-mecum que la bonne fée lui fourre entre les mains, peut enfin célébrer la fin de son «noviciat».
   Deux ans plus tard paraît Thérèse philosophe (1748), attribué au marquis d'Argens. L'auteur n'y va pas par quatre chemins ; moins soucieux des bienséances que La Morlière, il nous mène chez un courtisan «usé de débauches», un voyeur qui se satisfait au spectacle — fignolé — de son jeune et vigoureux valet titillé par Thérèse à demi nue pendant qu'il se pâme sur une fille. Une seule connotation religieuse, si l'on ose dire : la «liqueur divine» répandue à la fin. Cela dit, le sexe règne en maître absolu dans ce

cabinet environné de glaces de toutes parts, disposées de manière que toutes faisaient face à un lit de repos de velours cramoisi, qui était placé dans le milieu[37].

Le plaisir du maître augmente selon la diversification des images réfléchies. La position des miroirs fait que celles-ci montrent les mêmes personnes sous des angles différents, un peu comme ces tableaux cubistes où les visages sont vus simultanément de face, de profil et de dos. Non seulement la scène se multiplie, bien que chaque fois autrement ; mais la fantasmagorie culmine — du moins peut-on le supposer — du fait que les images, juxtaposées ou contiguës d'un côté de la pièce, se reproduisent sans fin lorsque les glaces suspendues à deux murs opposés se font vis-à-vis. On perd le nord, et il n'est pas surprenant que cet instant coïncide, pour le voyeur, avec celui de la jouissance.
   Point de lendemain (1777) : tel est le titre d'une nouvelle de Vivant Denon. Il résume fort bien ce culte du présent, de l'heureux moment, que pratique par excellence le rococo. Témoignage tardif, le texte confirme avec force ce qu'on vient de constater. Le luxe et l'élégance d'abord : sont mentionnés tour à tour des cassolettes exhalant «de délicieux parfums», «des portiques en treillage orné de fleurs», une «statue de l'Amour», «des couronnes et des guirlandes», etc. Puis, la sensualité : c'est avec une ardeur non dissimulée que la dame accueille son amant d'une nuit dans cette «vaste cage de glaces», laquelle renferme une grotte sombre» où se scelle leur éphémère union. L'emboîtement des lieux relève, lui aussi, du rocaille. Tertio, la sacralisation, le rituel initiatique que Denon souligne constamment :

Tout cela avait l'air d'une initiation. On me fit traverser un petit corridor obscur, en me conduisant par la main. Mon cœur palpitait comme celui d'un jeune prosélyte que l'on éprouve avant la célébration des grands mystères… […] La porte se referma […] une lueur douce et céleste […] devant cette statue (de l'Amour) était un autel, sur lequel brillait une flamme […] un temple d'une architecture légère achevait d'orner ce côté …] le dieu du mystère veillait à l'entrée (de la grotte) […] vous m'avez fait un dieu[38].

La grotte est qualifiée de «nouveau sanctuaire» et l'amant y est couronné en récompense de ses services. À la lecture de cette longue description, on ne peut s'empêcher de penser à Watteau, notamment à ses arabesques, lorsque, pénétrant dans le cabinet, le narrateur-héros dit «ne voir qu'un bosquet aérien qui, sans issue, semblait ne tenir et ne porter sur rien». On ne saurait mieux dire pour rendre l'impression que font les fragiles échafaudages de peintures ou d'estampes comme Le Faune, par exemple, où, en dépit de la pesanteur, un socle supportant, en plus d'une chèvre, la statue du dieu, repose sur des branchettes d'une incroyable minceur. Autre chose encore : quand la «reine de ce lieu» invite le jeune homme à s'étendre auprès d'elle, l'image du couple, reproduite par les glaces, évoque une «île toute peuplée d'amants heureux» : ainsi des tête-à-tête qui se suivent à la queue leu leu dans L'Embarquement pour Cythère. Dernier point : le côté «irréel», «fantasmatique», de la scène, qu'on n'a pas manqué non plus de mentionner à propos du grand tableau de Charlottenburg[39]. Après avoir erré «dans un dédale» sans lumière, les amants parviennent dans un appartement d'où une confidente disparaît «par une porte secrète» ; enfin, ils gagnent le saint des saints, non sans avoir encore traversé «un petit corridor obscur». Une fois sur place, le narrateur s'avoue «ravi» d'admiration, prêt «à croire à l'enchantement». Les objets figurés sur les glaces, «répétés, […] produisaient l'illusion de tout ce qu'ils représentaient». Les lampes éclairent «d'une manière magique» ; le parquet est une imitation de gazon. Triomphe de l'artifice, du mirage, du «merveilleux», d'une «nature enchantée» ; du reste, le héros de l'histoire ne fait que jouer un «rôle» dans une comédie[40]. Au siècle suivant, Eichendorff dira avec raison que le rococo a violenté la vie, qu'il l'a ligotée dans les rets de l'art. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'illusion, qu'elle concerne la chair ou les objets, a pour mission de corriger la réalité, de l'embellir ; elle est tout entière au service du plaisir : «les désirs se reproduisent par leurs images». Mais tout a une fin : ces étreintes passionnées sont brutalement interrompues et le sortilège s'évanouit comme un «songe».
   Il faudra reparler de l'illusionnisme et de ses fonctions, aphrodisiaques avant tout dans ces exemples littéraires. Épinglons encore une fois l'importance du luxe que d'autres ont fait également ressortir, Wieland dans Idris und Zenide (III, 1768) :

Ein Labyrinth von Sälen, Kabinetten
Und Zimmern, liess mieh sehn, wie weit die Feerei
Die Kunst zurücke lässt, Lack, Schnitzwerk, Malerei,
Tapeten, Spiegel, Tische, Betten,
Kurz, alles war so reich[41],

ou, bien plus tard, Byron dans Don Juan (III, lxviii-lxix) :

Crystal and marble, plate and porcelain,
     Had done their work of splendour; Indian mats
And Persian carpets, which the heart bled to stain,
     Over the floors were spread ; […]

There was no want of lofty mirrors, and
     The tables, most of ebony inlaid
With mother of pearl or ivory, stood at hand,
     Or were of tortoise-shell or rare woods made,
Fretted with gold or silver[42].

Quant à la fusion de l'érotisme et du sacré, outre que la ritualisation de l'amour profane est un lieu commun, elle est suggérée par Pope déjà, on s'en souvient. Le thème revient après sous la plume de romanciers français, entre autres dans Les Malheurs de l'inconstance (1772) de Dorat. Ici, Madame de Syrcé, au nom si évocateur, se promène dans un «labyrinthe», «voluptueux dédale», «sanctuaire» dont elle est la «déesse» ; et le comte, à sa vue, tombe en «extase[43]». Un tableau plus audacieux est brossé par Godard d'Aucour : la Rozette de Thémidore (1745), après s'être retirée dans son cabinet de toilette ce qui suppose la présence de miroirs — se purifie «dans une onde parfumée». Soin louable, mais fugace, car, «victime de l'amour», elle va aussitôt s'étendre sur un «autel», lisez : une couche couverte de coussins et d'un voile de lin. Et la «cérémonie» débute quand le narrateur, «une bougie à la main», s'approche de ce «lieu respectable»

Rozette dormait en disposition de se réveiller aisément et en position qui n'attendait que le plaisir. Je m'avançai avec une tendresse respectueuse, je posai mon offrande sur l'autel. Dieux! que la victime donnait du courage au sacrificateur[44].

C'est se moquer du respect : comme les odalisques de Boucher, Rozette n'invite qu'à la volupté, laquelle se renforce d'un sacrilège. Comment ne pas penser à une messe noire? Quand il n'y aurait que cette bougie, si peu innocente… Tous ces cabinets ne seraient-ils, en définitive, que des temples de l'amour? Pourtant, ils ornent les appartements de dignitaires éminemment vénérables, princes-évêques ou margraves — ce qui n'empêche rien évidemment. S'ils n'étaient que le théâtre d'ébats plus ou moins furtifs, ainsi qu'il ressort de ces fictions littéraires, quel plaisir goûterait-on à se voir faire l'amour dans les Spiegelscherbenkabinette de Bayreuth? Et comment expliquer la publicité qui en entoura la construction, par exemple la longue correspondance qu'entretint à ce sujet l'évêque de Würzburg avec son architecte Balthasar Neumann? Pour Friedrich Cari von Schônborn, l'essentiel, selon toute apparence, était de faire du neuf, d'étonner : «damit nicht vorige Dinge repetiert, sondent was neues inventiert und gemacht werde[45]
   Il est manifeste, par ailleurs, que ces lieux clos ou mi-clos font partie d'une famille dont nous avons déjà vu apparaître plus d'un rejeton. Notamment la grotte qui, chez Denon, est encastrée dans le cabinet ou le jouxte en tout cas. C'est là une curiosité à la mode depuis la Renaissance (voyez celle de la villa Barbaro à Maser) et, au XVIIIe siècle, il est peu de palais qui ne puissent s'en enorgueillir. Chez Pope (The Rape of the Lock, IV) ou chez Byron (Don Juan, VI, xcviii), pour l'un comme pour l'autre, il s'agit d'une sorte de boudoir, lieu féminin par excellence, dont le premier met en relief le caractère sophistiqué jusqu'à l'étrange :

     A constant vapour o'er the palace files ;
Strange phantoms rising as the mists arise[46].

Artificielle par définition, la grotte consiste en un assemblage de pierres brutes généralement incrustées de coquillages et de verroteries, et contenant à l'occasion des statues de dieux, de nymphes, voire de singes. D'ordinaire située dans un parc comme à Veitshöchheim (fig. 5), elle peut l'être aussi à l'intérieur du château. À Bruchsal, où c'est le cas, le simulacre est forcément beaucoup moins réaliste, étant donné l'obligation de respecter l'architecture de la salle ; aussi l'illusion d'un paysage chaotique est-elle produite ici par des fresques. On est en quelque sorte confronté à une mystification au carré, les peintures imitant un site qui, en d'autres circonstances, est construit de toutes pièces d'après nature. À l'Eremitage (Altes Schloss), à proximité de Bayreuth, la grotte, sise quasiment à l'intérieur, contient des jeux d'eau : trois cercles concentriques de deux cents jets que l'on faisait fonctionner pour surprendre les visiteurs, à la grande joie de la Cour qui les observait d'en haut. La margrave en parle dans ses Mémoires :

[…] on trouve une petite porte par laquelle on entre dans une espèce de souterrain qui mène dans une grotte. Cette grotte est ornée de coquillages très-beaux et très-rares, et elle reçoit le jour par un dôme qui est au-dessus ; il y a un grand jet d'eau au milieu de la grotte et six cascades tout à l'entour ; tout le plancher, qui est de marbre, jette aussi de l'eau, de façon qu'il est très-aisé d'attraper les gens et de les inonder lorsqu'ils y sont. Il y a deux rampes de chaque côté de la grotte qui mènent à deux appartemens, composés chacun de trois petites chambres en miniature. Au sortir de la grotte on entre dans une petite cour toute environnée de ces rochers artificiels, entremêlés d'arbres et de haies ; un grand jet d'eau, placé au milieu, y donne une continuelle fraîcheur[47].


Figure 5.

Et de préciser qu'une «voûte est si artistement construite, qu'on la prendroit pour un véritable rocher». Non loin du «Neues Schloss», toujours à l'Eremitage, se trouve une «untere Grotte», en plein air cette fois, avec des jets d'eau également et un bassin : une sorte de nymphée entouré d'arcades en ruine. Grâce à l'eau, on demeure dans le domaine des miroirs[48] — et de l'émerveillement, qui nous saisit encore lorsqu'elle jaillit du sol.
   Dans Les Malheurs de l'inconstance, c'est par un labyrinthe qu'on atteint «la grotte charmante[49]». Tel est aussi le cas chez Denon. Voilà encore un lieu que le rococo emprunte à une vieille tradition. Accessoire de l'érotisme, il indique l'accès, par le biais de préliminaires, au bonheur suprême et la perte de tout sens de l'orientation qui accompagne celui-ci. Les cabinets de glaces en offrent même une version plus achevée que les parcs où le dédale se réduit à un nombre limité de détours, tandis que les miroirs parallèles engendrent dans un espace minime des enfilades infinies d'images et portent le vertige à son comble[50]. Cette profusion de dorures, de couleurs tendres, de lumières est bien autre chose que du trompe-l'œil : presque un stupéfiant. Le Mercure de France d'août 1756 apporte sur ce chapitre des précisions intéressantes, encore qu'il n'y soit question que de jardins :

[…] j'ai […] un goût décidé pour les labyrinthes. Qu'est-ce en effet qu'un jardin où l'on ne peut s'égarer? Je suis bien éloignée d'accepter ces grands espaces que vous me proposez pour mes bosquets. Je les veux extrêmement petits & multipliés, pour ainsi dire, à l'infini[51].

Quitter le droit chemin : on découvre ainsi l'irrationnel caché sous les systèmes des Philosophes, sous la sapience des Lumières. Dans Félicia ou mes fredaines (1775), récit qui appartient par maints côtés à notre courant, Andréa de Nerciat décrit un «réduit enchanté» en des termes similaires :

J'allai m'égarer avec Sydney dans un labyrinthe touffu, au centre duquel était une fontaine rustiquement décorée et près de laquelle un lit de gazon offrait un théâtre commode aux ébats des amants. […] Tous les sens à la fois y étaient flattés. Un filet de fil d'archal extrêmement délié renfermant un espace fort étendu tenait prisonniers une multitude d'oiseaux de toute espèce qui donnaient l'exemple et l'envie de faire l'amour. La fleur d'orange, le jasmin, le chèvrefeuille, prodigués avec l'apparence du désordre, répandaient leurs parfums. Une eau limpide tombait à petit bruit dans un bassin qui servait d'abreuvoir aux musiciens emplumés. On marchait sur la fraise […]. J'étais émerveillée[52].

On le serait à moins. Parallèlement, néanmoins, on relèvera des lieux du même genre, quoique bien moins séduisants, chez Sade, dans Justine[53] et La Marquise de Gange[54], et dans The Monk, le roman gothique de Lewis[55]. Ce siècle aime juxtaposer les contraires, et la spéculation la plus méthodique y alterne avec le dérèglement des sens. Il n'est donc pas surprenant que le «voluptueux dédale» dont parle Dorat n'intervienne pas uniquement dans la littérature rococo.
   Les Spiegelscherbenkabinette, chers à la margrave de Bayreuth, renvoient aux ruinistes. C'est aussi à Wilhelmine, sans doute, qu'on doit l'idée des deux théâtres de mines construits aux environs de Bayreuth, l'un à l'Eremitage, l'autre à Sanspareil, vers 1745 (fig. 6). Le second présente même certaines ressemblances avec une grotte : comment départager, en effet, l'imitation de vestiges architecturaux et celle de détritus naturels? Dans le contexte du rococo, ce motif exprime moins la mélancolie ou la nostalgie du passé que l'attrait du pittoresque, de l'ornement biscornu. Effet que réalisent à merveille les morceaux de miroirs disséminés sur les murs ou au plafond. Aucune cohérence dans les images qui nous sont montrées : ce ne sont que miettes, trous percés au petit bonheur dans les parois, ouvertures où l'on se fourvoie, car on y cherche en vain quelque analogie avec le milieu ambiant. Bien loin que la réalité soit répétée symétriquement dans sa totalité, son reflet, immatériel en soi déjà, tombe en poussière. Le Ruinentheater tient doublement de l'irréel : comme théâtre et comme ruine[56].


Figure 6.

À ce dépaysement féerique l'exotisme des chinoiseries contribue dans une large mesure. La Morlière ne manque pas d'en parler. À noter qu'à côté d'objets authentiques, on a recours à des copies fabriquées en Europe. C'est tout un monde de pacotille, un véritable décor d'opéra, avec fontaines, arabesques, rocailles et incrustations brillantes, qui se forme sous nos yeux. Rien n'est plus mensonger que cette fiction d'ermitage ; rien n'est plus charmant non plus. On ne sait si l'on est dans un jardin, une palmeraie, une caverne, ou dans un palais ; la confusion est totale entre le dedans et le dehors[57], comme dans telle toile de Lajoue, comme aussi dans les cabinets de verdure et les «folies» des parcs, ouvertes à tous les vents, mais offrant en même temps un havre de repos.

Il apparaît ainsi que les cabinets de glaces rococo et lieux apparentés n'ont pas pour seule destination d'abriter des amants. Les lits moelleux que les écrivains y installent avec tant de complaisance ont du reste disparu de la plupart de ceux que l'on peut encore voir. Mais y en eut-il partout? Cette fonction, soulignée pour les besoins de l'intrigue, découle en fait d'une autre : l'érotisme n'est qu'un cas particulier d'une utilisation plus générale et qui touche à bien plus qu'à un thème romanesque : la raison d'être du rococo. Dans les exemples cités, il est plus d'une fois question d'enchantement, de ravissement. On prend ses distances par rapport au quotidien et à l'univers sensible : on veut se transporter dans l'inconnu, hors de soi au sens étymologique du mot «extase». Le sentiment de l'individualité une fois aboli, le moi plonge pour ainsi dire dans l'infini. C'est ce à quoi l'on peut parvenir de diverses manières : par la drogue, le plaisir sexuel (la «petite mort» dont on a fait le prélude de l'autre, la grande, qui se voit érigée en joyeuse entrée dans l'au-delà), l'expérience mystique et, enfin, le gommage des coordonnées spatiales qu'entraînent les miroirs. Ce n'est pas par hasard que la sexualité débouche si expressément dans le domaine du sacré, d'un sacré païen, mythologique ici. Quant à la cause de cette association, elle réside, à n'en pas douter, du moins pour ce qui est du rococo, dans la volonté de secouer les contraintes de la réalité. Fuir l'existence banale, décevante, menaçante même, de tous les jours, se fuir soi-même les Spiegelscherbenkabinette mettent l'homme en pièces — en se perdant dans un hédonisme ludique : jeux de l'amour, eux du théâtre, jeux d'images, c'est du pareil au même. L'évasion esthétique procurée par le décor ne fait que se prolonger dans une évasion érotique qui n'en est cependant pas le complément obligé. Quand on arrive à «la grotte charmante», lit-on chez Dorat, «il semble qu'on soit séparé de l'univers, on y marche sur les roses et on en est couronné[58]». La comparaison entre lieux littéraires et lieux réels permet de mieux circonscrire la fonction des uns et des autres et de les relier à un trait saillant du courant : la rectification ou manipulation de l'espace et, à un dernier stade, le remplacement du réel par l'artifice. Les miroirs donnent la possibilité de vivre, ne fût-ce qu'un heureux moment, dans un monde de rechange ; ménageant une issue aux fuyards, ils mettent en valeur les charmes du simulacre. Avec tous les dangers que comporte la politique de l'autruche.
   Reste à savoir comment s'opère cette perte de soi et des certitudes empiriques, consécutive à la production des perceptions spatiales. On a très justement noté que le cabinet de glaces a vue à la fois «sur le réel et sur l'imaginaire[59]» Ce que l'on nomme communément image s'applique soit à la fixation d'un souvenir (vision intérieure, mentale), soit à la représentation matérielle, sensible, d'une chose absente : la présence de l'image qui suppose celle d'un récepteur compense l'absence de la chose. Il n'en va pas de même dans le cas de l'image réfléchie, laquelle n'existe qu'aussi longtemps que l'objet est vu devant le miroir : je ne m'y vois qu'à condition de me placer physiquement devant lui. Il y a synchronisme entre l'image et l'être reflété. De plus, dans les cabinets, étant donné la disposition des glaces, la première perd son unicité, elle prolifère, se «présentifie» de multiples manières, acquiert par là une omniprésence déroutante. Le moi se décuple ; les doubles des romantiques n'offriront qu'une modeste réplique de ces éphémères métamorphoses. Le lieu, le spectateur, les objets font bien partie de l'univers tangible, présent, mais il s'en forme des visions fantastiques où les choses se répètent, basculent, se placent de guingois au même instant. Images qui tiennent tant de l'insolite que du banal, de la pure fantaisie que de la sensation normale puisque l'œil en perçoit la source. La même contiguïté ou simultanéité des contraires concerne en outre l'ouvert et le fermé, le petit et le grand : la pièce, close et exiguë, donne l'impression de communiquer avec l'illimité, des sortilèges dignes de ceux qu'Alice découvre en s'aventurant de l'autre côté du miroir. Tout en conservant leurs traits familiers, les objets se mettent sens dessus dessous, la gauche se substitue à la droite et vice versa.
   Les murs semblent ne pas vouloir cesser de reculer[60], de nous échapper dans des arrière-plans de plus en plus indécis, des spectacles qui se modifient au moindre geste. La cohérence et la permanence assurées par l'optique ordinaire font place à la confusion et à la mutabilité, que renforcent encore l'abondance, l'éclat et la diversité des choses exposées sur les consoles. On se trouve au centre d'un dédale d'images où le multiperspectivisme est «donné» sans même dépendre de nos mouvements. Ce n'est pas seulement le spectateur qui change l'aspect des objets selon son point de vue et son attitude, car les miroirs les lui font voir sous toutes leurs coutures presqu'au même moment, alors qu'il demeure immobile.
   Confusion, trouble, anxiété, surprise en tout cas : c'est ce frisson que donne Fulda (fig. 7 et 8). L'illusion à tout prix ; «miroir» vient de «mirari». On est aux antipodes des robustes vérités, de la clarté, simplicité, solidité, unité, symétrie et du bon sens que prônait le classicisme. Autant de vertus contre lesquelles le rococo jette l'anathème. Le temps de Molière semble révolu : Marivaux ne l'apprécie guère et Boileau subit des remaniements radicaux. Tout le monde le souligne, tant du côté des partisans que des adversaires. L'idéal artistique, défini par Hogarth dans son Analysis of Beauty (1753), est la «ligne de grâce» qui ondule en trois dimensions. Avec elle triomphe l'irrégularité, une fantaisie qui entraîne le regard «dans une course folle» («that leads the eye a wanton kind of chace[61]»). Plutôt que d'en fouiller les profondeurs, on caresse la surface des choses, en suivant les courbes capricieuses des arabesques, comme si l'œil décrivait des méandres sur une coquille d'œuf d'un blanc à peine teinté. Voir, vivre, c'est jouer, jouir. Ce voyeurisme trahit la haine du sérieux, des dogmes des prédicateurs, des effusions des rêveurs, solitaires ou non, de la Raison des classiques et des Philosophes. Voltaire lui-même l'avoue qui, pour être penseur, n'en cultiva pas moins le rococo à ses heures : «malheur à la raison», écrit-il en juin 1734, «si elle ne badine pas quelquefois avec l'imagination[62]» et, vingt ans plus tard :

On court, hélas! après la vérité ;
Ah! croyez-moi, l'erreur a son mérite[63].


Figure 7.


Figure 8.

Erreur, imagination, fantaisie : dernière planche de salut dans le tourbillon des idées, des intérêts, des passions, en ce passage de la calme majesté de Versailles à la Terreur. Ainsi Cochin qui, après son voyage en Italie, se posa en ennemi irréductible du «petit goût», parle à ce propos, en 1754, de «dérangement» des «cervelles[64]», et Blondel qui fait dire, en 1774, à un de ses adeptes :

La composition & l'élégance des ornements n'ont jamais rien offert de plus satisfaisant ; idées riantes que la magie des glaces répete encore, & semble multiplier à l'infini. Je pourrois dire, avec vérité, que je ne connois rien de si propre à faire tourner la tête[65].

À la mesure du grand goût succède la quête du bizarre, une déraison ludique ou, carrément, l'aberration, comme dans les impossibles architectures peintes par Lajoue. Et c'est en Allemagne justement que cette tendance atteint son apogée, c'est-à-dire là même où ont subsisté tant de cabinets de glaces.
   Comme toujours, le présent porte les germes du changement. Le romantisme allait sous peu intensifier le rôle de l'imaginaire, dresser systématiquement la carte du fantastique et du grotesque, s'aventurer avec Friedrich Schlegel dans l'infini que lui ouvrait la liberté absolue et transformer le rejet de la raison et de l'esthétique classique en révolte totale : artistique et morale, mais, de plus, sociale et politique. Le rococo et ses miroirs lui avaient frayé la route, sans les tambours ni les trompettes de Byron, de Kleist ou d'Hugo, avec une grâce badine, mais paradoxalement lourde de conséquences. Si la magie des glaces ne ménage encore qu'une échappatoire, à peine plus qu'une fausse sortie, la perte de soi dont Narcisse, pris «Comme en un piège de cristal», avait mesuré l'irrémédiable, ne va pas tarder à provoquer une crise de la personnalité.


NOTES

[1] Julien Eymard, Le thème du miroir dans la poésie française (1540-1515), Université de Lille III, Service de reproduction des thèses, 1975 (Thèse Univ. Toulouse-Le Mirail), p. 131.
[2] Marianne Roland Michel, Lajoüe et l'Art Rocaille, Neuilly-sur-Seine, Arthena, 1984, p. 188, fig. 45 et 46.
[3] Patrick Brady, Rococo Poetry in English, French, German, Italien : An Introduction, Knoxville , New Paradigm Press, 1992, p. 37.
[4] Fiske Kimball, The Creation of the Rococo Decorative Style, New York , Dover Publications, 1980, p. 23.
[5] Jacques-François Blondel, De la Distribution des Maisons de Plaisance et de la Décoration des édifices en général, Paris, Charles-Antoine Jombert, 1738, 11, p. 67.
[6] Heinrich Kreisel, Die Kunst des deutschen Möbels, II, Spätbarock und Rokoko, München, C.H. Bec, 1970, p. 18.
[7] Alexander Pope, Collected Poems, London - New York , Dent-Dutton, 1946 (Everyman's Library, 760), p. 80.
[8] Marivaux, Théâtre complet, ed. M. Arland, Paris, Gallimard, 1949 (Pléiade, 79), p. 1349.
[9] Crébillon le Fils, Le sopha, Bruxelles, Ch. Gilliet, 1884, p. 174.
[10] Romans libertins du XVIIIe siècle, ed. R. Trousson, Paris, Robert Laffont, 1993 (Bouquins), p. 388. 406 et 419.
[11] Diderot, Œuvres, ed. A. Billy, Paris, Gallimard, 1946 (Pléiade, 25), p. 108 et 156.
[12] John Cleland, Memoirs of a Woman of Pleasure, New York , G.P. Putnam's Sons, 1963 (Putnam, 5555), p. 11 : “two gilt pierglasses”.
[13] Romans libertins, p. 1198.
[14] D.A.F. DE SADE, Œuvres complètes, II, Justine ou les malheurs de la vertu, Paris, Pauvert, 1963, p. 213-214.
[15] Heinrich Kreisel, p. 163.
[16] Julien Eymard, p. 125 et 134.
[17] Ibid., p. 135 et Serge Roche, Miroirs, galeries et cabinets de glaces, Paris, Hartmann, 1956, p. 42.
[18] Fiske Kimball, p. 230. Kimball plaide, semble-t-il, pour une origine française.
[19] Laugier, Maniere de bien juger des ouvrages de Peinture, Paris, Ch.-Antoine Jombert, 1771, p. 79.
[20] Julien Eymard, p. 135-136.
[21] Annette Meyer zu Eissen, Spiegel und Raum in der bildenden Kunst der Gegenwart, Bonn , 1980 (Thèse Univ. Bonn), p. 211-212.
[22] Ibid., p. 2I5 et Heinrich Kreisel, Deutsche Spiegelkabinette, Darmstadt, Franz Schneekluth, s.d. (Wohnkunst und Hausrat/Einst und jetzt, 1), p. 1l.
[23] Fiske Kimball, p. 179, n. 243 et Karsten Harries, The Bavarian Rococo Church Between Faith and Aestheticisrn, New Haven-London, Yale University Press, 1983, p. 21 qui réfute cette opinion. Cf. aussi Richard Zürcher, Rokoko-Schlösser, München, Heyne, 1977 (Heine Stilkunde), p. 70 et Alastair Laing, in Anthony Blunt & Wim Swaan, Kunst und Kultur des Barock und Rolcoko. Architektur und Dekoration, Freiburg-Basel-Wien, Herder, 1979, p. 285.
[24] Mémoires de Frédérique Sophie Wilhelmine de Prusse, Margrave de Bareith, Paris, F. Buisson-Delaunay, 1811, II, p. 279.
[25] Geoffrey Wills, English Looking-glasses : A Study of the Glass, Frames and Makers (1670-1820), London , Country Life, 1965, p. 120.
[26] Ibid., p. 37.
[27] Jean Weisgerber, L'espace romanesque, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1978, p. 231 et R. Trousson in Romans libertins, p. xxxi.
[28] Crébillon le Fils, Le sopha, p. 224.
[29] R. Trousson in Romans libertins, p. xxxi.
[30] La Fontaine, Œuvres diverses, ed. P. Clarac, Paris, N.R.F., 1942 (Pléiade, 62), p. 140.
[31] Ibid., p. 143-144 et Julien Eymard, p. 205 & sqq.
[32] La Fontaine, p. 153.
[33] Romans libertins, p. 397.
[34] Ibid., p. 408-409.
[35] Ibid., p. 413.
[36] Ibid., p. 415.
[37] Ibid., p. 639-640.
[38] Ibid., p. 1309-1310.
[39] Marianne Roland Michel, Watteau. Un artiste au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 1984, p. 192.
[40] Romans libertins, p. 1313.
[41] Christoph Martin Wieland, Werke, IV, München, Carl Hauser, 1965, p. 260.
[42] Lord Byron, The Poetical Works, London - New York - Toronto , O.U.P., 1945, p. 693. Cf. aussi VI, li, p. 736.
[43] Romans libertins, p. 977.
[44] Ibid., p. 304.
[45] Heinrich Kreisel, Deutsche Spiegelkabinette, p. 24. D'autres exemples français (Marmontel, Heureux Divorce, 1759 ; Bastide, La petite Maison , 1758 ; Jourdan, Le Guerrier Philosophe, 1744) sont cités et commentés par Jan Henan, Topologie du désir dans Point de Lendemain de Vivant-Denon, in Australian Journal of French Studies XXVII, 3, 1990, p. 231-241.
[46] Alexander Pope, p. 89.
[47] Mémoires, p. 273.
[48] Sur le rapprochement entre la grotte et le miroir, cf. Julien Eymard, p. 144 & sqq. Eymard cite aussi Montaigne à propos des jeux d'eau qui inondent les visiteurs à la grotte de Pratolino.
[49] Romans libertins, p. 975.
[50] Richard Zürcher, p. 98.
[51] Beaux-Arts. Architecture, À l'Auteur du Mercure, in Mercure de France, août 1756, p. 185. Souligné par moi.
[52] Romans libertins, p. 1202.
[53] D.A.F. DE SADE, Justine, p. 161.
[54] D.A.F. DE SADE, Œuvres complètes, XIV, La Marquise de Gange, Paris, Pauvert, 1967, p. 30.
[55] Matthew Lewis, The Monk, London , Sphere Books, 1974 (The Dennis Wheatley Library of the Occult, 24), p . 218 et 286.
[56] Erich Bachmann, Neues Schloss Bayreuth . Amtlicher Führer, München, Bayerische Verwaltung der Staatlichen Schlösser, 1980, p. 5.
[57] Julien Eymard, p. 161 qui cite Habert de Cérisy (1639) :
Ces miroirs qui font voir par d'utiles accords
Le dehors au dedans, le dedans au dehors.
[58] Romans libertins, p. 975.
[59] Julien Eymard, p. 155.
[60] Annette Meyer zu Eissen, p. 214.
[61] William Hogarth, The Analysis of Beauty, ed. Joseph Burke, Oxford , The Clarendon Press, 1955, p. 42.
[62] Voltaire, Correspondance, 1, 1704-1738, ed. Th. Besterman, Paris, Gallimard, 1964 (Pléiade, 162), p. 486.
[63] Voltaire, Œuvres complètes, XVI, Contes - Satires - Odes - Stances. Paris, Baudouin Frères, 1827, p. 44.
[64] Mercure de France, décembre 1754, p. 185.
[65] Blondel, L'Homme du Monde éclairé par les Arts, ed. M. de Bastide, Amsterdam , 1774 (Paris, Monory), I, p. 90. Cf. aussi p. 102.

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