Bon-a-tirer est une revue littéraire diffusant en ligne, en version intégrale des textes courts originaux et inédits écrits spécialement pour le Web par des écrivains actuels principalement de langue française.








 
L’ÉCOSSAISE. PIÈCE EN DIX-SEPT TABLEAUX. TABLEAU 7

Personnages :

Marie Stuart
Amyas Paulett
Judith, femme d’Amyas
Catherine, jeune fille

Décor :

Il peut être réaliste ou abstrait. Mais il doit, impérativement, représenter trois espaces : l’un, celui de Marie Stuart, au fond duquel se trouve le dais royal (M), l’autre, celui des Paulett (P) et un troisième, situé en hauteur, pour la scène finale. On éclairera tantôt l’un, tantôt l’autre.

Costumes :

D’époque, le contraire paraît difficile. Mais sans insister, avec quelque chose d’épuré. Tout s’y prête : le puritanisme, la captivité…

L’action se place entre septembre 1585 et février 1587.

(Extrait)

Tableau 7.

(M) MARIE, CATHERINE

MARIE (chante en s’accompagnant d’un luth)

Quatre petites filles se promenaient au bois
trèfle porte-bonheur que souvent je revois
Marie Fleming
Marie Seton
Marie Beaton
et Marie Livingstone.

Et sur ce grand bateau allant vers douce France
partirent avec moi le cœur plein d’espérance
Marie Fleming
Marie Seton
Marie Beaton
et Marie Livingstone.

J’étais reine à six jours et mariée à seize ans
mon trèfle d’amitié, où est-il à présent ?
Marie Fleming
Marie Seton
Marie Beaton
et Marie Livingstone.

(Catherine applaudit)

CATHERINE – C’est une jolie chanson.
MARIE – Et l’histoire est vraie.Les quatre Marie étaient mes compagnes de jeu.Elles m’ont suivie partout. L’une des quatre est encore ici.
CATHERINE – Seulement une ?
MARIE – Une sur quatre. N’est-ce pas déjà beaucoup ?

(Elle se remet à jouer du luth, en sourdine)

CATHERINE – Si je savais, comme vous, toucher le luth...
MARIE – J’aime la musique. Je l’ai toujours aimée.
CATHERINE – Et vous écrivez des poèmes. Sir Amyas dit que les poètes sont dangereux.
MARIE – Sir Amyas dit tant de choses. Si je n’avais pas la poésie et la musique, en ce moment... Il peut enfermer mes chevaux, découdre mes vêtements, me priver du plaisir de respirer l’air pur, il ne contrôle pas ce que j’ai dans la tête. Retenez cela, Catherine. Dans sa tête, chacun est seul maître. Chacun possède ses propres terres inconnues de tous. Chacun peut édifier les palais de ses rêves. Chacun est roi. (avec un sourire) Ou reine.
CATHERINE – Est-ce pour cela que les poètes...
MARIE –...peuvent être dangereux ? Sans doute. Moins que les puritains, toutefois. Moins que ce triste sire de Paulett. Il ferait mieux...
CATHERINE – Oui ?
MARIE – Il ferait mieux d’être un peu gai, de boire un coup, de lutiner sa femme. A-t-il seulement une femme ?
CATHERINE – Dame Judith. Vous devriez la voir. Si, si. Elle est très différente de lui.
MARIE – Pourquoi ? Elle aime la poésie ?
CATHERINE – La poésie, ça m’étonnerait. Mais le vin !
MARIE – Voilà qui ne doit pas plaire à Sir Amyas. (pause) En France, j’ai connu des poètes. Pierre de Ronsard, Joachim du Bellay. Ils ont même écrit des vers pour moi !
CATHERINE – Oh ! Dites-les moi.
MARIE – Ce n’était là que poésie de cour.
CATHERINE – Ils chantaient...votre beauté ? Votre grandeur ?
MARIE – J’y croyais, à l’époque. Il est facile de croire lorsque l’on est heureux.
CATHERINE – Vous l’étiez ?
MARIE – Les plus doux instants de ma vie, je les ai vécus dans votre pays.
CATHERINE – Dont vous étiez la reine.
MARIE – Si peu de temps. (pause) Pensez-vous qu’être reine apporte le bonheur ?
CATHERINE – Tout de même !
MARIE – Ma pauvre enfant.
CATHERINE – Et le bonheur, d’ailleurs, qu’est-ce que c’est ?
MARIE – On le sait quand il n’est plus là.
CATHERINE – Comme l’amour.
MARIE – Oh non, non, non. L’amour, c’est autre chose. Il n’est pas nécessaire de le voir disparaître pour savoir qu’il était là.
CATHERINE – Vous avez aimé ?
MARIE – Petite curieuse. (pause) Oui, j’ai aimé. Hélas.
CATHERINE  – Hélas ?
MARIE – C’est bien cela qui m’a perdue.
CATHERINE – Je croyais que l’amour sauvait de tout ?
MARIE – Mon Dieu.
CATHERINE – L’amour ne sauve donc pas de tout ?
MARIE – Pas toujours.
CATHERINE – On m’avait dit, pourtant...
MARIE – Ne croyez pas tout ce qu’on vous dit, Catherine. Attendez de l’avoir vécu vous même. Vous serez surprise. Très surprise.
(Elle reprend son luth)

Le sang noir des Stuarts, le rouge des Tudors
Vous le verrez couler à l’heure de ma mort
Marie Fleming
Marie Seton
Marie Beaton
et Marie Livingstone.

Copyright © Liliane Wouters, 2012
Copyright © Bon-A-Tirer, pour la diffusion en ligne

 

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